Éditorial

           Il y a des grands discours qui mettent le feu aux poudres, comme, cet été, celui dit « de Grenoble ». Il y a des généralités (les Arabes, les Africains, les Asiatiques, les Musulmans…), il y a des amalgames de mots  (Roms, gens du voyage, gitans, tziganes, manouches, immigrés, terroristes, étrangers, migrants). Amalgames et généralités créent la confusion et la peur.

Mais à Villes Univers nous ne rencontrons que des personnes : Ahmed, Dipa, Ibrahim, Tipagaran… Certains vivent à Asnières ou à Gennevilliers depuis de longues années. À la première rencontre ils nous surprennent et, parfois, pourquoi ne pas l’avouer, ils nous inquiètent un peu : ils ne parlent pas bien notre langue, ils nous racontent par bribes des histoires souvent abracadabrantes, parfois remplies de contradictions,  souvent dramatiques, kafkaïennes, et nous nous sentons souvent impuissants. Certains reviennent à la permanence toutes les semaines, d’autres disparaissent pendant des mois, puis reviennent avec les mêmes interrogations, et leur histoire s’est compliquée.

Un exemple parmi d’autres:  quand cette famille malienne, en France depuis plus de dix ans,  est venue pour la première fois à la permanence de Villes Univers, six personnes vivaient dans un studio d’à peine 20 mètres carrés, le propriétaire refusait de faire les réparations des canalisations d’eau qui fuyaient de partout, le comité d’hygiène avait diagnostiqué du plomb dans les ...

peintures, un des enfants était en hôpital de jour, deux autres pris en charge à la crèche.

Des liens se sont noués entre ceux qui essayaient de les aider : travailleurs sociaux, services municipaux, associations, particuliers. À Villes Univers nous avons rempli avec cette famille un dossier  DALO (Droit au logement opposable) qui est resté sans réponse au bout des 6 mois prévus par la loi. Nous avons alors consulté à Paris l’avocat du DAL (Droit au logement) qui nous a conseillé de refaire un autre dossier DALO.

C’était en mars dernier, ce deuxième dossier est encore aujourd’hui resté sans réponse.  En juillet nous avions de nouveau alerté la Municipalité, écrit  au Préfet.  Le mois dernier la police a conduit à l’hôpital l’aîné des enfants qui a été renversé par  un chauffard au cours d’une fugue. L’assistante sociale de l’hôpital nous a appelés. Que faire ? Avec l’appui du médecin elle prépare un nouveau courrier au Préfet. La maman est très courageuse, elle travaille, s’occupe bien de ses enfants, fait des démarches. Mais nous mesurons notre impuissance dans le labyrinthe de lois souvent contradictoires (5 réformes sur l’immigration ces 7 dernières années). L’assistante sociale nous dit qu’il est important que cette personne  puisse de temps en temps venir frapper à notre porte. À Villes Univers nous n’avons pas affaire à des généralités, à des numéros de dossiers, mais uniquement à des cas particuliers, à des personnes.

Jean VERRIER

AHMED, DIPA, IBRAHIM , TIPAGARAN