Zone de Texte:  BULLETIN N° 125							Juin 2021
Zone de Texte: Bulletin 125/1/8

Éditorial

Zone de Texte: LE BULLETIN DE VILLES UNIVERS

Français, étrangers, ne restons pas étrangers les uns aux autres
Zone de Texte: "Un regard : Regards sur l'immigration"

             

              Il m’a été confié exceptionnellement de rédiger cet éditorial pour Ville-Univers. C’est à titre d’invité que je m’exprimerai ici, mes propos n’engageront donc que moi. Pour tout dire, je n’aime pas parler d’immigration. Ce n’est pas par manque d’expertise dans ce domaine. Au contraire, pendant mon parcours scolaire, universitaire et de recherche, j’ai dû m’intéresser à la démographie, et forcément à l’immigration. En réalité, c’est un sujet que je connais mieux que beaucoup. Ce même parcours universitaire et mon activité professionnelle m’ont plongé dans un milieu cosmopolite des années durant. J’ai été ainsi aux prises avec des cultures très diverses, même si le milieu universitaire est mondialisé depuis longtemps (il l’a sans doute toujours été) et s’avère au fond très homogène. Dans la vie courante, j’ai eu l’occasion de « dépanner » des amis se trouvant dans une situation de précarité. Et j’ai pu mesurer les lenteurs de la bureaucratie, les aléas politiques… et comment du jour au lendemain, des personnes parfaitement en règle étaient devenues clandestines et indésirables alors que je ne voyais pas en quoi leur présence posait un problème pour notre pays. J’ai observé aussi que les motivations de l’immigration étaient très diverses, voire inattendues : économiques, politiques, sentimentales, personnelles, religieuses, et même liées aux orientations sexuelles… Deux exemples personnels me viennent à l’esprit : un ami brésilien qui souhaitait absolument vivre dans le pays où Marcel Proust avait vécu ! Il était très fier d’avoir été naturalisé, mais combien de Français apprécient la culture française à ce point ? Je mets à défi mes propres lecteurs. L’autre exemple est celui d’un couple nippo-taïwanais (ce n’est pas banal). Ils se sont rencontrés à Paris dans le cadre de leurs études. Ils communiquent dans la langue de Molière, tout comme leurs enfants, car ils ont décidé de se marier et de vivre dans notre pays. Et croyez-moi, ce n’est pas pour des raisons pécuniaires, car leurs perspectives professionnelles étaient bien meilleures dans leurs pays ! Et ces deux cas ne sont pas exceptionnels, je pourrais en écrire des pages et des pages.

              Moi-même, étant né en pleine banlieue parisienne, je me suis retrouvé au sein de la diversité issue de l’immigration. Au fond, bien que catalogué comme « Français », je ne différais guère de mes camarades « étrangers », car mes racines n’étaient pas plus colombiennes ou asniéroises que les leurs. Comme eux, peu importait la couleur de la peau, la religion, j’étais un « immigré », un « étranger » dans ces lieux. À quel titre pouvais-je me alors prétendre plus « français » qu’eux ? La raison pour laquelle je n’aime guère parler d’immigration tient au fossé entre recherche et opinions. L’idéologie domine trop souvent dans les débats sur l’immigration, ce qui empêche d’en parler sereinement. Il est si facile d’incriminer l’immigration comme à l’origine de tous les maux de la société française et donc de détourner notre attention des vrais problèmes et d’en déterminer les responsables. Pour autant, il ne faut pas non plus négliger les difficultés d’intégration, de cohabitation entre communautés. Malgré celles-ci, nous ne sommes pas si différents les uns des autres : nous aspirons tous à une vie meilleure, nous sommes tous préoccupés par les questions de logement, de santé, d’emploi, de pouvoir d’achat, d’éducation pour nos enfants, de disposer de services publics de qualité, etc. Pourquoi constate-t-on alors de telles fissures dans notre société ? Je n’aurais pas la prétention d’apporter une réponse, mais il me semble important que les habitants de ce pays se parlent enfin. Les méfiances réciproques s’effaceraient sans doute et l’on constaterait plus nos similitudes que nos spécificités. Je suis frappé par ces barrières invisibles qui nous enferment et je pense que le travail d’une association comme Ville Univers va tout à fait dans le bon sens, à savoir rapprocher les gens pour une meilleure compréhension.                                                                                                                                                                                                      

Alexandre