Zone de Texte:  BULLETIN N° 109									Février 2015
Zone de Texte: Bulletin 109/1/6

Éditorial  

Zone de Texte: LE BULLETIN DE VILLES UNIVERS

Français, étrangers, ne restons pas étrangers les uns aux autres

APRÈS « CHARLIE », QUE  FAIRE ?

 

« Français, Étrangers, ne restons pas étrangers les uns aux autres» : la devise de notre modeste  association de quartier  prend soudain une dimension nouvelle sous le coup des terribles attentats de janvier dernier et au milieu de la foule des commentaires qu’ils ont suscités.

Aujourd’hui, quelques jours après les extraordinaires rassemblements du dimanche 11 janvier, une fois passé l’enthousiasme d’une unité (presque) nationale affirmée avec calme et émotion, notre devise, qui pouvait sembler obéir au bon sens, voire aux bons sentiments, va se trouver comme à contre-courant, et il va falloir la répéter avec plus de force en même temps que celle de la République : Liberté, Égalité,  Fraternité. Et il faudrait ajouter : Laïcité.

Certes, « Je suis Charlie » a été un slogan immédiatement mobilisateur. «  Je suis Charlie » c’est-à-dire je me solidarise avec tous ceux que la barbarie a voulu faire sauvagement disparaître. Pour un temps je suis athée, musulman, juif, chrétien… même si je ne partage pas leur foi ou leurs opinions. Je suis Charlie, c’est-à-dire je suis l’autre, l’étranger. Mais nous sommes toujours l’étranger de quelqu’un. Il n’est pas facile de définir l’étranger.

À l’origine de Villes Univers il y a eu, parmi d’autres,  des  musulmans et des chrétiens, une mosquée et une église. Tous les musulmans ne sont pas des « étrangers », la plupart sont français, même si quelques-uns, algériens  ou marocains, ont gardé leur nationalité d’origine. Et tous les Français ne sont  pas chrétiens.  Mais il reste des différences de religion, de culture, d’habitude vestimentaire, de maîtrise de la langue française, et aussi, d’un quartier à l’autre, des différences socio-économiques.

Seulement, à Villes Univers,  Français et Étrangers ne sont pas des représentants de différentes « communautés ». Chacun est une personne, appliquée à combattre, d’abord en elle-même, les préjugés que font naître l’ignorance, et la peur que celle-ci engendre. Alfred, Awa, Iria, Claude, Saïda, Georgette, Ramdane, Monique, Karima, Jean-Pierre, Naïma, Philippe, Salma, Jean, Fadila, Odile, Emmerentienne, Saâd, Isabelle, Penda, Roger…et les autres ont tissé au jour le jour des liens d’amitié, cela a pris du temps et n’est jamais fini..

Cela prend du temps car « la paix n’est pas une fleur sauvage que l’on trouve toute faite au bord du chemin ou qu’il suffirait de cueillir comme on cueille de la bruyère, ou de ramasser comme on ramasse des champignons. La paix est un  travail, il faut faire la paix comme on fait le blé. Il faut faire la paix et il faut des années pour faire une rose, et des siècles pour faire une vigne. Non la paix n’existe pas à l’état sauvage, il n’y a de paix qu’à visage humain » (d’après Jean Debruyne).

           Or la tentation est forte, autour de nous, et peut-être en nous, de crier notre colère, de répondre à la violence par la violence, et d’abord à cette première forme de violence qui est de confondre les musulmans avec ceux qui essaient d’utiliser l’Islam pour commettre  d’horribles crimes contre l’humanité.  Reconnaissons nos différences, mais ne restons pas étrangers les uns aux autres.

           Enfin de nombreux commentateurs ont souligné le rôle privilégié des associations dans le maintien et le développement du lien social, menacé aujourd’hui par les extrémismes de tous bords. Sachons être  à la hauteur de notre responsabilité.

                                                                                                                      Jean Verrier